Qu'ont en commun le Château Dufresne, ce bel hôtel de style Beaux-Arts de Montréal, et le sobre mais élégant 109 avenue Cornwall à Ville Mont-Royal ? Ces bâtiments datent de la même époque, autour des années 1920, et leurs murs ont servi de toile pour le peintre-décorateur d'origine belge, Alfred Faniel. Ces deux résidences ont également fait l'objet d'un grand respect envers le bâtiment original. L'évidence saute aux yeux. Le souci des propriétaires de préserver l'intégrité de ces maisons toutes deux presque centenaires, semble avoir été omniprésent durant toutes ces années.
Dans la vague d'urbanisation des années 1920
Le 109 Cornwall, c'est une affaire de famille depuis le début. « Quand mon grand-père a choisi le terrain pour construire sa maison en 1924, il n'y avait que des champs de fruits et légumes à la grandeur, probablement des melons à profusion, à partir de Côte de Liesse jusqu'à Outremont », rappelle Benoit Beaudoin, propriétaire actuel du 109 Cornwall et résidant avec son épouse Pauline. Il nous apprend que son aïeul, Josaphat Beaudoin, citoyen d'Hochelaga à l'époque et contrôleur à la gare centrale de Montréal – le seul francophone de l'équipe - pour le Canadian Pacific Railway (CPR), avait été encouragé par la vague d'urbanisation à proximité de la nouvelle gare de Ville Mont-Royal en activité à partir de 1918. Il décide de construire deux résidences mitoyennes à proximité de la gare, l'une pour y habiter et l'autre pour la louer afin de récupérer une partie de son investissement. Trois années ont été nécessaires pour compléter son projet.
Une maison « artistique »
Durant ses quarts de travail à la gare centrale, le grand-père Josaphat rencontre Alfred Faniel, un artiste d'origine belge installé à Montréal depuis 1903 et engagé comme dessinateur par le CPR. Le talent de l'artiste déborde de ses fonctions officielles. C'est ainsi qu'il produira des décors de théâtre pour le Gesù et pour les Variétés lyriques et qu'il réalisera des fresques murales pour nombre de résidences de Montréal dont celle de Marius Dufresne, le Château Dufresne d'aujourd'hui. Il est également l'auteur de la gigantesque huile sur toile (132 X 221 cm) intitulée « Jacques Cartier sur le mont Royal », une œuvre qui a animé tout un pan de mur au grand chalet de la montagne durant des décennies. Le talent de l'artiste Faniel est sollicité par Josaphat pour décorer les murs du salon. Il en fait des murales spectaculaires. Malheureusement, les œuvres se sont détériorées avec le temps. Un seul spécimen de son œuvre subsiste sur la rue Cornwall : un tableau représentant une scène de pêche à la ligne, un loisir cher au grand-père, qu'on a prélevée d'un mur du hall d'entrée.
Une affaire de famille
Le 109 Cornwall est habité par la famille Beaudoin, de père en fils depuis 1927. Le 111 a été loué jusqu'en 1949, puis habité par les enfants et petits-enfants jusqu'à aujourd'hui. Une maison intergénérationnelle avant l'heure.
L'authenticité de la maison à l'intérieur soulève l'admiration. « Les femmes qui ont habité ici étaient des femmes de précaution », souligne Benoît avec un clin d’œil amusé à son épouse Pauline. Si la cuisine a fait l'objet de rénovations récentes, la salle de bain est restée authentique et impeccable, la baignoire est d'origine ainsi que les carreaux de céramique au sol. Le grand escalier, les lumineuses boiseries en chêne, et les revêtements muraux en furlapont traversé les décennies comme s'ils étaient d'hier, Le 109 Cornwall est de toute évidence devenu un membre de la famille Beaudoin. Touchant de constater leur grande fidélité au patrimoine résidentiel depuis tant de décennies. Une vertu qui tend à se perdre.
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