Il se fait appeler Jimmy et est la définition même du « American Dream ». Fuyant la guerre civile au Liban, Jamil Cheaib est arrivé au Canada en 1976, avec pour seul bagage son linge sur le dos pratiquement. Trois ans après, lui, son frère Elie et leur ami Georges Ghrayeb faisaient l’acquisition d'un petit magasin de 1000 pi2 sur la rue Faillon, à Montréal. Soit la pierre angulaire de ce qui est allait devenir aujourd’hui l’empire du Marché Adonis. Le Journal Station Mont-Royal l’a rencontré à sa maison de Ville Mont-Royal.

Adonis aujourd’hui, c’est onze succursales, dont neuf au Québec et deux en Ontario. Avec un produit phare, le shish taouk, équivalent à une production de cinq à six tonnes par jour. Une affaire d’environ 325 millions de dollars par an. À laquelle il faut aussi ajouter une compagnie d’importation de produits du Moyen-Orient, le Groupe Phoenicia, créée en 1982, avec un chiffre d’affaires de quelque 170 millions de dollars. Et un total de près de 2 500 employés pour faire rouler tout ça.
Une machine bien huilée. Mais construite à la force du poignet. En effet, « L’entreprise Adonis, ce n’est pas quelque chose qui est arrivé en gagnant à la loterie. Non. « Je l’ai bâti petit à petit », dit posément Jamil Cheaib. Son commerce, il l’a monté à raison de 100 heures par semaine, 7 jours sur 7.
« Et il travaille toujours fort aujourd’hui, intervient sa femme, Mirna. Mais il a coupé pas mal dans ses heures et il est beaucoup plus relax, comme on dit », commente celle qui a joué un grand rôle dans ce succès familial. « Si elle ne s’était pas sacrifiée à être seule et s’occuper des enfants, je n’aurais pas pu faire ce que j’ai fait » confie M. Cheaib.
Dans la demeure du couple qui habite Ville Mont-Royal depuis plus de 20 ans, ne réside plus qu’un seul de leurs trois garçons, ainsi que le chien, Snoopy, et une domestique, plutôt discrète. Au fond du salon, une baie vitrée donne sur un morceau de campagne digne de la cité-jardin, où lapins, ratons-laveurs et même un renard pendant l’hiver, s’invitent dans le paysage.
Mais si tout semble plutôt tranquille aujourd’hui— si l’on fait fi du téléphone qui sonne régulièrement, cela n’est pas toujours le cas. « On reçoit beaucoup de gens; on a toujours du monde ici, des amis de nos enfants, des voyageurs, des hommes d’affaires… On a une maison ouverte, pas fermée, laisse-t-il savoir. C’est vrai que j’ai plus de confort aujourd’hui, mais l’argent ne m’a pas changé du tout. Je suis toujours le même Jimmy qui vient d’arriver en 76. Avec les mêmes valeurs: la famille, le vivre ensemble… I’m a humble man », dit-il.
Depuis 2011, Metro est copropriétaire à 55% d’Adonis. « On a vendu pour avoir une plus grande opportunité de grandir, explique-t-il. On pense entre autres ouvrir à Ottawa prochainement, puis ensuite à Toronto, et bien sûr, il y a d’autres choses aussi, mais c’est trop tôt pour en parler », révèle celui qui a aussi une participation d’environ 50% dans une fromagerie près de Sorel-Tracy spécialisée dans les fromages libanais.
Jamil Cheaib est issu d’une famille de neufs enfants, dont un seul demeure au Liban, les autres étant ici au Canada. Toute la famille est dans le commerce: « Tout le monde! », affirme l’homme d’affaires. « Mon frère, Joe, est propriétaire de la Sirène de la mer ici à Ville Mont-Royal (un restaurant et une poissonnerie); mon autre frère, Raymond, qui est décédé aujourd’hui, ses enfants ont repris sa boulangerie Andalos, à Ville Saint-Laurent ; puis il y a Sam qui fait de l’importation de poissons ; Khalil, qui travaille avec moi ; ainsi qu’Elie, partenaire d’Adonis… » Un « success story » libano-canadien qui n’est pas prêt de s’arrêter, finalement.
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